mardi 3 janvier 2017

Contexte : la guerre depuis 20 ans

Après le génocide de 1994 au Rwanda, qui a fait environ 800 000 mort-es, des forces armées et des milices impliquées dans le génocide s’étaient repliés dans les régions orientales de la RDC, encadrant des camps où s’entassaient des milliers de réfugié-es fuyant après l’instauration d’un nouveau gouvernement rwandais. Ces milices se préparaient pour tenter de reprendre le pouvoir au Rwanda, ce qui a provoqué une intervention meurtrière en RDC en 1996 de la part du gouvernement rwandais.
La multiplication des factions armées, la désorganisation et l’absence d’Etat démocratique, l’incapacité des Nations unies et des pays ayant des intérêts dans la région, comme les Etats-Unis et la France, d’avoir une réponse cohérente face au génocide et à ses conséquences ont entraîné une situation dramatique qui aurait fait depuis 1996 plusieurs centaines de milliers voire des millions de morts [1], en grande majorité civils, victimes notamment de malnutrition, maladies et pauvreté suite aux guerres de 1996 et 1998.
Les combats et les exactions, qui concernent particulièrement les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, à l’Est du pays, entrainent des déplacements de populations. En 2013, les déplacé-es à l’intérieur du pays (souvent déplacés à plusieurs reprises) approchaient les 3 millions de personnes, vivant dans des situations très précaires. Plus de 400 000 réfugié-es congolais vivent toujours en exil. Par ailleurs des réfugié-es fuyant la grave crise humanitaire en République Centrafricaine, pays voisin, arrivent en RDC.
Parmi les belligérants figurent les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (milices hutus), le RCD-Goma (Rassemblement Congolais pour la Démocratie) soutenu par le Rwanda contre le gouvernement de RDC, l’Armée de résistance du seigneur (LRA) issu d’une rébellion en Ouganda, les « maï maï » au Katanga, le Mouvement populaire d’autodéfense (MPA). Même si certaines factions ont été démobilisées à partir de 2010 et dans certains cas partiellement intégrées à l’armée congolaise (FARDC), l’insécurité persiste – d’autant que de nouveaux groupes apparaissent comme le M23. Issu d’une scission dans les FARDC à partir de 2011, le M23 a finalement été vaincu par l’armée régulière fin 2013.
La plupart de ces groupes ont une composition ethnique. Beaucoup contrôlent des zones minières, et font des recrutements forcés, notamment des enfants pour en faire des combattants. Ils prennent également pour cible le personnel d’organisations humanitaires.

 Le viol, arme de guerre

Les viols en République démocratique du Congo auraient fait officiellement au minimum 200 000 victimes depuis 1996, et certainement beaucoup plus, car de nombreux viols ne sont pas répertoriés. (Cf. ci-dessous interview de M. Wallström). Le chiffre de 500 000 est souvent avancé.
Le viol est une arme de guerre utilisée par tous les belligérants. Enlèvement d’enfants pour servir dans les milices, esclavage sexuel, viols collectifs, publics et massifs pour humilier et terroriser les populations sont planifiés et mis en œuvre… Le terme « viol » fait quasiment figure d’euphémisme. Car les modes opératoires constituent souvent des tortures et des actes de barbarie, visant la destruction des femmes et de leur appareil génital (voir ci-dessous Denis Mukwege). Pour certains belligérants, l’objectif d’innoculer le VIH-sida est explicite. Le caractère systématique des agressions, leur extrême violence, le fait que toutes les femmes y compris des bébés ou des personnes âgées sont concernés fait que l’on parle de « gynocide ». Des dizaines de milliers d’enfants seraient issus des viols auxquels des femmes ont survécu.
Des hommes et des garçons sont également victimes de violences sexuelles visant aussi la destruction psychique et physique des personnes.
A noter : le gouvernement a adopté en octobre 2012 un Plan d’action pour mettre fin au recrutement d’enfants, aux violences sexuelles et aux autres violations graves des droits de l’enfant par les forces armées et de sécurité.
Exactions : l’armée régulière aussi...
L’armée régulière (FARDC) est régulièrement accusée d’exactions. Ainsi, elle a récemment suspendu des officiers supérieurs suite à un viol de masse commis par des soldats du 391e bataillon de commandos à Minova en novembre 2012. D’après l’ONU, sur une dizaine de jours "135 cas de violence sexuelle, ainsi que d’autres violations graves des droits de l’homme, dont des meurtres et des pillages massifs".
Selon les chiffres de la MONUSCO, « 224 membres du personnel militaire ou de la police de la RDC ont été condamnés pour des violations graves des droits humains (environ la moitié impliquant des violences sexuelles) entre juillet 2010 et juillet 2011, ce qui représente une augmentation importante par rapport aux années précédentes ».
Mais en mai 2014 à Goma, au terme d’un long procès, sur 39 accusés, la justice congolaise n’a prononcé que deux condamnations pour viols, acquittant la quasi-totalité des soldats accusés des viols massifs de Minova. Les condamnés pour viols sont un lieutenant-colonel, condamné à perpétuité et un caporal condamné à dix ans de prison.
«  Les violences sexuelles demeurent un problème de protection considérable.L’instabilité sécuritaire, notamment à l’est, l’impunité, la faiblesse du système d’intervention juridique/judiciaire et l’absence d’infrastructures de base dans certaines provinces (Equateur, Province Orientale), sont la cause de l’accès réduit aux services d’assistance et à la justice pour les survivant-es, favorisant les arrangements à l’amiable dans la communauté. Au Nord-Kivu et Sud-Kivu, au cours du premier semestre 2012, respectivement 1 768 et 1 572 incidents de violences sexuelles ont été enregistrés, et 618 dans le district de l’Ituri en Province Orientale . Au Nord-Kivu, la répartition géographique des cas de violences sexuelles rapportés est fortement corrélée avec la situation sécuritaire. En effet, on constate que les zones ayant connu des affrontements armés avec des mouvements de populations sont aussi celles où les incidents de violences sexuelles sont les plus élevés (le territoire de Rutshuru vient en première position suivi des territoires de Beni et Masisi ). Les enfants (filles/garçons) sont majoritairement affectés. Les expulsions de migrants congolais de l’Angola ont continué en 2012, accompagnées de nombreuses violations des droits humains, notamment des traitements dégradants et inhumains y compris des violences sexuelles ». 
Extrait du Plan d’action humanitaire 2013 de l’ONU
«  Depuis ma prise de fonction il y a moins de deux ans, je me suis rendue trois fois en République démocratique du Congo. La partie orientale de la RDC a été surnommée "capitale mondiale du viol", à juste titre : plus de 200 000 viols ont été rapportés depuis le début de la guerre dans le pays il y a plus de dix ans. Compte tenu de la réticence à signaler un viol, l’on peut aisément imaginer que le nombre réel de viols est plusieurs fois supérieur à celui des viols rapportés. » 
Margot Wallström, représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies pour les violences sexuelles dans les conflits 
2011, interview par ITUC (Confédération Syndicale Internationale) 
→ Lire le dossier complet
Mais en mars 2016, la Cour Pénale Internationale a condamné à dix huit ans de prison l’ancien commandant militaire du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et ancien vice-président de RDC Jean-Pierre Bemba pour des crimes incluant des viols qualifiés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, commis entre 2002 et 2003. C’est la première fois que la CPIretient de tels chefs d’accusation, mentionnant la "cruauté particulière" de ces crimes, dont des viols collectifs en place publique.

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